La randonnée du Jōmon Sugi

Lundi 09/04

Levés à 3h un lundi matin, probablement la première fois de notre vie ! Nous avons prévu de faire l’une des plus longues randonnées de Yakushima : l’Arawaka Trail Head.

Cette randonnée de 22km dans la montagne est annoncée en 10/11h de marche, il est donc impératif de la débuter dès l’aube sous peine de devoir passer la nuit dans un des refuges sur le chemin.

Elle nous permettra de voir certains des 2000 cèdres Japonais de Yakushima (une espèce de conifère présente au Japon, en Chine, en Corée ainsi que sur l’île de La Réunion) dont le plus vieux d’entre-eux, le Jōmon Sugi. C’est le plus ancien et le plus grand des 2 000 cryptomerias de l’île, et son âge est estimé entre 2 170 et 7 200 ans. Voilà pour les présentations !

À 4h, nous prenons la direction de l’aéroport à environ 15min à pied. Il fait plutôt doux mais on ne voit pas grand chose pour l’instant. Nous avons pris un seul petit sac à dos avec nos capes de pluie et les bouteilles. À côté nous avons notre déjeuner et de quoi tenir la journée dans un sac plastique accroché au premier sac.

Personne à l’aéroport, logique. Nous trouvons l’arrêt du premier bus que nous devons prendre pour nous emmener au pied de la montagne. 20 minutes d’avance sur le passage du bus, on est larges ! Personne d’autre ne viendra à cet arrêt, il y a tout de même 3 personnes dans ce bus pouvant en transporter une cinquantaine. Nous finirons par être une bonne dizaine avant notre arrivée 30 minutes plus tard.

Il y a là bien plus de monde, à vue de nez une cinquantaine de personnes toutes hyper équipées : gros sacs de rando, grosses chaussures, bâtons de randonnée, gants. On se demande si nous n’avons pas été trop présomptueux vu les personnes qui s’attaquent à cette randonnée. Nous prenons un ticket de bus et nous rangeons dans la file d’attente. Y’aura-t-il assez de place dans celui-ci ? Au pire nous attendrons le prochain dans vingt minutes. Ah! Nous sommes sauvés par les strapontins, ça fait un bail que nous n’avons pas posé nos fesses là dessus.

C’est parti pour 30 minutes de montée en lacets, le chauffeur maîtrise et roule à un rythme impressionnant malgré la toute petite route. Il semble utiliser un talkie-walkie pour prévenir les autres chauffeurs de son avancée, ces derniers attendent effectivement notre passage en se stationnant sur des emplacements prévus. La route est fermée aux voitures de mars à octobre car elle était trop encombrée. Le seul moyen d’atteindre le point de départ de cette randonnée est donc le bus, logique qu’il soit plein.

Derniers à monter, premiers à descendre, c’est au moins l’avantage des strapontins. Il fait toujours sombre mais le soleil ne devrait plus trop tarder. Il est 5h40.

La plupart des personnes de notre bus s’engouffre dans le refuge pour y prendre le petit déjeuner. Notre hôte nous avait dit que c’était souvent le cas. D’autres commencent des étirements, « ah bon il faut s’étirer ? » se demande-t-on, pas le temps de niaiser, on fonce ! Au moins est  certains d’avoir le champ libre pour profiter du paysage.

Enfin « on fonce », façon de parler. Les premiers pas sont hésitants, déjà on ne voit pas grand chose, et puis on ne sait pas vraiment où aller. Nous savons que la première partie de la randonnée est une ascension en suivant une ancienne voie de chemin de fer où un petit train permettait de faire l’ascension. Nous attendons que le premier petit groupe avec un guide parte pour les suivre. 50 mètres plus loin, déjà un croisement, le guide s’arrête pour expliquer des choses à son groupe et nous invite à les dépasser pour continuer : « This way ». Ok, c’est parti alors, on ouvre le chemin. La fonction lampe torche du portable nous permet de commencer au début mais le soleil prendra très rapidement le relai.

Nous attaquons la première partie d’environ deux heures. 8kms de rails qui montent, de quoi se mettre en jambe pour la suite. Nous passons sur plusieurs petits ponts qui passent au dessus du torrent. L’un d’entre eux a encore un peu de givre, c’est glissant. Nous avançons doucement car il n’y a pas de rembardes et il y a bien 10 mètres de vide en dessous. Nous marchons depuis le début sur des planches fixées entre les rails, cela fait grosso modo 50/60 de large. C’est assez mais quand des ponts de ce genre de présentent on dirait que ces planches ne font plus que 30 cm de large.

Un jeune père et son fils d’une dizaine d’années nous collent à la culotte, je leur dirais une fois le pont franchi qu’ils fassent attention car celui-ci est glissant. Nous les distançons un peu jusqu’aux premiers toilettes, après environ 3km. Nous en profitons pour boire un coup afin d’économiser la boisson que je porte. Ils nous rejoignent et nous échangeons un peu sur le fameux pont flippant et nos nationalités. Ils viennent de Hong-Kong.

Nous continuons notre progression de notre côté, on ne va pas se faire dépasser par un enfant tout de même ! Sait-il dans quoi il s’est embarqué ? Nous même ne savons pas !

Bon, les rails c’était marrant au début mais 8kms c’est long. Heureusement que le paysage est sympa à regarder. Mais si on regarde en marchant, on ne marche plus droit. Ce serait bête de passer le pied à travers un pont !

C’est bon, on en voit le bout. 2h de montée, nous sommes dans les standards. Nous avons remarqué que nous allons d’habitude plus vite que les temps annoncés, mais comme la pente était progressive et le chemin très simple, on se dit que tout le monde doit le monter à la même vitesse.

Pause toilettes à nouveau, avant de passer à la suite. Nous attaquons la partie la plus complexe maintenant, il ne s’agit plus de marche à pieds mais d’escaliers, de marches taillées dans les racines géantes et de rochers. C’est annoncé en 3h. OK !

Les premières font mal aux cuisses, il faut dire que ce ne sont pas des tailles standards, les marches sont parfois tellement hautes qu’il faut s’aider de ses bras pour les franchir. Nous avons à l’occasion eu une pensée pour les personnes de petites tailles …

Ça chauffe sévère sous nos vêtements. Il fait frais car nous sommes en montagne mais nous passons notre temps à ouvrir et fermer nos vestes. Nous faisons des pauses, beaucoup. J’essaie de fixer une limite de temps avant la prochaine pause, histoire d’avancer un peu avec un but. 20 minutes, cela semble raisonnable. En fait, c’est épuisant et long. Nous reprenons notre souffle et faisons quelques étirements des jambes pendant les pauses.

Nous profitons bien sûr du paysage pour faire des petits breaks, et il y a toujours la photographe pour me demander un arrêt photo, forcément en avançant par moment tête baissée on ne voit pas tout.

Ça n’en finira donc jamais ? Dur de trouver les mots pour encourager Gaëlle qui galère autant que moi quand je n’en vois pas le bout non plus. J’essaie d’enchaîner certaines parties rapidement pour avoir de la visibilité sur la suite et pouvoir lui dire que « c’est bientôt fini » mais cela n’arrivera pas. Nous croisons à nouveau le père et son fiston. Sauf qu’eux sont en sens inverse. Quoi ? Comment ? Ils ont dû nous dépasser quand nous étions à notre pause toilette. Il me demande si j’ai vu la forme de l’arbre souche énorme et me montre la photo qu’il a prise, nous n’avions pas fait gaffe mais le trou béant forme effectivement une forme sympa, nous allons de toute façon repasser à côté en descendant donc nous le verrons à ce moment là. J’en profite pour lui demander si nous sommes encore loin de notre but : le Jomon Sugi. Il nous dit qu’il nous reste encore dix bonnes minutes, ça c’est une superbe motivation !!!

Cela nous redonne un coup de boost, nous avalons les dernières marches et atteignons enfin le fameux arbre. Nous sommes un peu déçus, il est impressionnant mais nous l’avions encore une fois un peu idéalisé. En fait, l’ascension est tellement intense que nous voudrions voir le truc le plus phénomènal du Japon une fois en haut. C’est la randonnée dans son ensemble qui est superbe, le cèdre millénaire est simplement une chose à voir en la faisant.

Il est 9h20, nous faisons le tour de l’arbre avec les deux plateformes prévues à cet effet et passons à notre pause déjeuner bien méritée. Avec les rayons du soleil, c’est parfait pour faire sécher ma veste et mon blouson qui sont trempés bien qu’il ne pleuve pas …

On s’étire, on s’allonge. Nous savourons le moment. Plusieurs groupes passent à côté de nous pour aller voir le cèdre pendant notre pause. Et tous déjeunent ensuite au même endroit que nous.

Fin de la pause déjeuner, nous amorçons la descente. Et quand nous n’avions croisé pratiquement personne en montant on ne peut pas dire qu’il en soit de même maintenant. Nous croisons tous les petits groupes partis après nous avec à chaque fois le petit konichiwa qui va bien.

Notre rythme de descente est plutôt élevé, mais il faut tout de même bien regarder où l’on pose les pieds pour ne pas glisser, faudrait pas non plus mettre un pied dans l’eau en franchissant l’eau … Au niveau muscles et souffle tout va bien, par contre les genoux et les pieds prennent cher.

Nous arrivons à l’arbre souche, et constatons que nous étions effectivement passés à côté de la forme que fait le trou vers le ciel :

Nous avons compris après coup que c’était quelque chose de très connu sur cette randonnée. Nous étions bien documentés !

Au bout d’une petite heure nous voilà en bas de la grosse difficulté. Le chemin a paru bien plus long que lors de notre montée. La fatigue sans doute …

Il ne reste plus que les 8kms de rails en légère descente. Une broutille quand on sait que l’on a déjà fait le plus dur avec les 14 derniers kilomètres. Erreur monumentale ! Ces 8kms auront été les plus longs de notre vie. Pouah, ça ne finissait jamais ! Et pourtant nous avions de quoi nous occuper l’esprit avec les biches que nous avons eu la chance de voir et les chansons idiotes que nous avons chanté pour passer le temps.

Et puis ces rails, c’est tellement répétitif. Au bout d’un moment les jambes marchent d’elles mêmes, sans que l’on y pense. On s’est même dit que l’on allait rêver de rails. Mais bon, en étant en bas si tôt, nous pourrons prendre un bus bien plus tôt et vite retrouver notre lit, parce qu’à ce moment-là on ne pense plus qu’à ça !

Nous en terminons ENFIN à 13h20, soit un peu moins de 8h de randonnée. Je vais voir les horaires du bus pour connaître le passage du prochain. Quoi !? 15h !? Le premier bus qui descend ne passe en fait pas avant 15h !!! Nous devons attendre 1h40 ici alors que nous sommes exténués.

Décision est prise de squatter deux bancs à l’ombre et de siester une bonne heure. Les discussions de certains en finissant tout juste me réveilleront rapidement. J’en profite pour échanger avec le papa sur la randonnée. Je lui montre que nous avons finalement vue la cœur dans l’arbre et aussi que nous avons croisé des biches. Il me demande s’il peut montrer la photo à son fils qui était déçu de ne pas en avoir vu, je lui dis qu’il n’y a aucun problème. Il revient à mes côtés pour me dire que son fils boude de ne pas avoir vu les biches, ah les enfants. Bon, il n’a pas vu les biches mais a quand même fait une randonnée de 22km, respect !

Le bus arrive enfin, il nous bercera jusqu’au terminus en bas de la montagne où les gens se sépareront. Certains partent en voiture, d’autres attendent. Je ne trouve aucune info sur le prochain bus, je propose donc à Gaëlle de descendre à pied pour voir si notre ami de Hong-Kong nous propose de nous ramener en voiture. Pas de bol, ce n’est pas le cas. Mince.

Pire, au bout d’un bon kilomètre, nous voyons un bus nous passer devant avec toutes les personnes qui attendaient avec nous. Rageant.

Arrivés sur la route principale de l’île, nous regardons les horaires du bus faisant la navette. Une heure et demie avant le prochain. Euh. Non. On a pas fini la rando à midi pour rentrer à l’hôtel à 18h !

C’est parti pour faire du stop, ça ne coûte rien de tenter. Il ne nous aura pas fallu longtemps pour trouver un sauveur. Cinquième voiture à tout casser et même pas 3 minutes d’attente. Cool. Le jeune japonais qui nous prend en stop est ravi d’avoir des français dans sa voiture. Il ne parle pas un mot d’anglais, nous échangeons donc tant bien que mal pendant qu’il conduit. Nous comprenons qu’il travaille avec les personnes âgées sans savoir réellement ce qu’il fait. Au bout des 10kms nous séparant de la maison, il nous demande s’il peut nous prendre en photo avant que nous sortions de la voiture, on pouvait difficilement refuser alors qu’il venait de nous rendre une fière chandelle !

A 17h et morts de fatigue, nous ne voulions pas commencer tout de suite notre nuit car nous préférions reprendre un rythme normal. Ce sera donc sieste jusqu’à 18h30 ! Et après le diner, hop, au lit !

8 réflexions sur “ La randonnée du Jōmon Sugi ”

  • 11 avril 2018 à 16 h 39 min
    Permalink

    Y aurait pas une coquille sur la fourchette de l’âge de l’arbre ?
    Parce que sinon ça laisse une bonne petite marge d’erreur ! 😉
    Félicitations pour la rando en tout cas.

    Réponse
    • 12 avril 2018 à 1 h 27 min
      Permalink

      Même pas ! Mais je pense qu’ils datent difficilement l’arbre sans le couper.

  • 12 avril 2018 à 8 h 52 min
    Permalink

    Chapeau bas les jeunes pour votre exploit ! pas trop de courbatures après tout ça ? A votre retour, votre quotidien va être drôlement ennuyeux après toutes ces aventures 🙂

    Réponse
    • 13 avril 2018 à 6 h 48 min
      Permalink

      Non pas de courbatures, on avait un peu peur de ça mais nickel. Le retour au train train quotidien va piquer c’est certain.

  • 12 avril 2018 à 20 h 09 min
    Permalink

    Bravo, belle perf !! Je déteste les randos où on revient par le même chemin, le retour paraît toujours être une éternité ….

    Réponse
    • 13 avril 2018 à 6 h 48 min
      Permalink

      Oui trop !!!

  • 13 avril 2018 à 4 h 12 min
    Permalink

    Superbe rando! Bon c’est toujours dommage de ne pas faire une boucle !
    Kisses from New-York City 🙂

    Réponse
    • 13 avril 2018 à 6 h 53 min
      Permalink

      Éclates toi bien là-bas

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *